Où je reprends le même début de post que précédemment... : il est bien connu maintenant que sur les émissions humaines de CO2, les "puits" (la biosphère et l'océan) en absorbent aujourd'hui, de façon à peu près équivalente (un peu plus l'océan quand même) une bonne moitié. La question est bien entendu de savoir comment vont évoluer ces puits à l'avenir. En ce qui concerne le puits de la biosphère continentale (la végétation terrestre et les sols, grosso modo), une idée forte est que cette absorption pourrait venir à être limitée par la disponibilité en nutriments, et en particulier l'azote. En effet, bien que le CO2 soit évidemment un fertilisant "naturel" pour la végétation (well, la végétation en C3 surtout), il n'est pas le seul facteur limitant de la photosynthèse - outre les nutriments, celle-ci dépend évidemment beaucoup de la disponibilité en eau... Or cette limitation par l'azote et les autres nutriments n'est -évidemment - pas encore prise en compte dans les modèles globaux.
Hungate et al dans Science en 2003 montraient par exemple, par un petit "calcul de coin de table", que l'absorption de CO2 prévue au XXIè siècle dans les modèles du GIEC 2001 était stoechiométriquement (c'est-à-dire du point de vue du ratio C:N de la biosphère) incompatible avec le cycle de l'azote tel qu'il est connu aujourd'hui.
Par conséquent, la prise en compte de cette limitation azotée - c'est-à-dire concrètement le couplage, dans les modèles, du cycle du C avec le cycle du N - étaient devenue ces dernières années un des objectifs importants des biogéochimistes.
Et les premiers à dégainer un fully C/N coupled global model sont donc finalement - surprise ? - les américains du NCAR, avec un papier dans Global Biogeochemical Cycles le mois dernier.
Bon. Sans trop de surprise, on trouve bien que le puits de CO2 terrestre est réduit quand on couple C et N - de 75% dans leurs simulations sur le XXIè, mais je mettrai pas ma main à couper, ni même un ongle, sur ce chiffre...- et que d'autre part le couplage C/N attenue fortement la variabilité interannuelle (due au climat) de l'absorption de C par les écosystèmes. Moins d'absoprtion donc, moins variable.
Après leur tournée de séminaires en Europe cet automne, Thornton et al. vont certainement voir leurs résultats comparés et commentés, à d'autres modèles par d'autres équipes, dans d'autres papiers, dans les temps qui viennent (sur la brèche il y a essentiellement le Hadley et l'IPSL).
Ils ont un peu essuyé les plâtres, en qq sorte. Evidemment les incertitudes dans de tels travaux sont énormes (on a encore du mal sur le cycle du carbone seul, alors...), à la fois numériquement mais aussi au niveau des processus qui sont mal connus, et il se passera certainement du temps avant d'avoir une estimation robuste de l'impact de la limitation en N sur la biosphère terrestre.
Mais déjà se dessine la prochaine fontière, le prochain horizon, celui du phosphore - dont il est admis qu'il est le facteur limitant de la productivité des forêts tropicales: voir par exemple cet article dans PNAS le mois dernier.