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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 21:43

En sciences du climat, lorsqu'on s'interesse au climat de surface on se focalise souvent sur les variables de temperature, de pluie, voire de rayonnement. Mais - hormis dans le contexte des evenements extremes, ouragans et autres tempetes - on pense peut-etre moins souvent au vent. Evoquer brievement la notion de "ralentissement" de la circulation atmospherique l'autre jour dans ce post, m'a remis en tete (meme si ca n'est pas relie, on va le voir...) cet article de Vautard et al. paru il y a quelques mois dans Nature Geoscience: " Northern Hemisphere atmospheric stilling partly attributed to an increase in surface roughness" .

 

En se basant sur des donnees de station meteo, les auteurs y decrivent un ralentissement generalise des vents de surface (e.g., le vent a 10m de hauteur) dans l'hemisphere nord:

 

natgeo-fig1bis.jpg

30-year surface (1979–2008) wind speed linear trend calculated over all of the available observations and each of the selected stations, in ms−1perdecade

 

 

Ce ralentissement avait apparemment deja ete note dans certaines regions, mais sans etre veritablement explique, et cette etude en fournit pour la premiere fois une vision a l'echelle global: une baisse de 5-15%, d'autant plus marquée que le vent est fort.

 

Si l'on ecarte l'hypothese, peu probable, d'un biais progressif generalise dans les mesures de vents (les auteurs conservent par ailleurs uniquement les "bonnes stations", soit environ 800 sur 10000..), un tel ralentissement peut etre du, a priori, a des changements de circulation atmospherique moyenne ou d'intensite des evenements synoptiques, ou bien a des effets de surface dans la couche limite, qui ralentiraient les vents.

 

Les auteurs eliminent plus ou moins la premieres hypothese en considerant d'evolution du vent plus en altitude (850 hPa et plus) dans les mesures de radiosondes, qui ne montrent pas ou peu de tendances, ainsi qu'en considerant les reanalyses (NCEP et ERA-Interim). Celles-ci ne montrent que peu de tendance (rien pour NCEP, entre 10 et 50% du signal observé pour ERA-Int)des vents en surface, comme on pourrait vraisemblablement s'y attendre s'il s'agissait de phenomenes atmospheriques de grande echelle (le vent d'altitude etant assimile dans les reanalyses). Enfin, les vents geostrophiques deduits des mesures de pression atmospherique ne montrent pas non plus de tendance negative.Tout cela pointe donc, selon les auteurs, vers une origine associee aux processus de surface.

Vautard et al. indiquent egalement que le fait que les reanalyses ne montrent pas de tendance des vents de surface, mais en reproduisent correctement la variabilite interannuelle, suggere que ce ralentissement provient de phenomene non-resolus par les reanalyses - typiquement, les effets de changement d'usage des sols ( une idee qui etait utilisee par Kalnay et Cai dans leur  Nature de 2003, pour deceler l'impact de ces changements - incluant l'urbanisation - sur les temperatures de surface des US - methode dite OMR, Observations Minus Reanalysis)

 

Quel est donc ce changement d'etat des surfaces continentales qui entrainerait un ralentissement des vents ? Comme le titre de leur article l'indique, il s'agit pour les auteurs d'une augmentation de la "rugosite" de surface, due a l'augmentation de la vegetation sur les dernieres decennies.

 

En effet, plus la surface est "rugueuse", par exemple une forêt par rapport a une prairie, plus le vent est "freiné", par frottement, au contact de cette surface (et la turbulence augmentée).

Et l'on sait que la vegetation, et notamment la forêt, a eu tendance à se redévelopper aux moyennes/hautes latitudes de l'Hemisphere Nord au cours des dernieres décennies.

 

Pour faire le lien entre les deux, les auteurs prennent alors des données d'augmentation du puits de carbone terrestre aux latitudes nord (par satellite notamment) ; les convertissent "geométriquement" en une fourchette d'augmentation de rugosité de surface; convertissent cette dernière en baisse du vent, en se basant sur une étude de sensibilité avec un modèle régional de climat. Au total, entre 26 et 50% du signal de vent pourrait selon eux être expliqué par le changement de végétation. Ils corroborent cette analysant l'évolution de la végétation sur les sites de mesures eux-mêmes.

 

Bon, cette dernière partie de l'article est quand même moins convaincante (elle fait un peu trop "calcul de coin de table"...): à cette échelle on aurait préféré des simulations couplées végétation/atmosphère par exemple, forcées par l'évolution de végétation - mais bon l'article a justement l'attrait de se reposer essentiellement sur des obs. Et l'observation de la baisse généralisée des vents de surface est en elle-même particulièrement originale.

 

Les auteurs concluent sur l'enjeu pour la production d'électricité éolienne (on est dans Nature...). On peut aussi s'interroger sur l'impact de ces changements récents de surface et de rugosité sur les températures de surface mesurées à ces mêmes stations, à travers la modifications des échanges turbulents surface-atmosphère.

 

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commentaires

S
<br /> OK merci. Donc en bilan de surface, il faut intégrer les trois effets pour avoir une idée de la dominante sur les T, dans une certaine aire où se tient le changement d'usage des sols (par exemple<br /> ici, l'extension des forêts, mais cela peut s'appliquer à l'extension d'une ville). Donc finalement, mon hypothèse que l'on pourrait trouver d'assez nombreuses stations du réseau terrestre qui<br /> seraient parfaitement indemnes d'une influence anthropique sur les dernières décennies est improbable, puisque mêmes les variations culture-prairie-forêt à proximité d'un point de mesure peuvent<br /> changer un bilan de surface et influer sur la mesure, en hausse ou en baisse. Comme je suppose que les coins inhabités et inexploités depuis trente ans où il y a une jolie station au milieu sont<br /> rares...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Merci de ta réponse, j'ai quand même googlé rapport de Bowen pour voir de quoi il retourne ;-) Je n'ai pas bien compris la référence à l'albedo: c'est celui d'une surface "afforestée" par rapport à<br /> un sol nu?<br /> <br /> Sinon, faut-il en conclure que les mesures de T en surface terrestre de l'HN peuvent être bruités par ce genre de phénomène, sur la période récente analysée par Vautard? Une baisse du vent de<br /> surface a-t-elle toujours la même influence sur la T, ou cela produit-il tantôt des hausses, tantôt des baisses, de sorte que le signal sur les T sera illisible de toute façon (pas d'effet<br /> dominant)?<br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> changement de vegetation  --> changement d'albedo, de rapport de bowen, de rugosite ---> effet sur la temperature de surface.<br /> <br /> <br /> CE qui va compter pour les temp, donc, cen'est pas le changement du vent uniquement (effet de la rugosite), mais l'effet du changement de vegetation en amont, y compris sur les autres variables<br /> (albedo, bowen).<br /> <br /> <br /> Cet effet depend evidemment du type de changement de vegetation, et aussi de la ou il se produit (pas le meme effet sous les tropiques qu'au moyennes latitudes par ex). L'effet physique du<br /> changement de vegetation depuis le pre-industriel est generalement considere - sur base de simulation couplees vegetation/climat -  comme refroidissant, plutot a l'echelle regionale<br /> (attention ca n'inclut pas le'effet des zones urbaines). voir par exemple ce post. A l'echelle globale, sur les temp, c'est<br /> peanuts. Apres, pour la periode recente specifiquement, je n'ai pas de reference.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Re-<br /> <br /> J'en profite pour te poser une question : est-ce que cette évolution du vent, si elle est réelle et non un biais de mesure, peut avoir une influence sur l'équilibre thermique en surface, et donc<br /> sur les températures mesurées par les stations terrestres? Dans la littérature sur les ICU, j'avais lu que l'on comparait les nuits calmes et les nuits venteuses (ex. Parker 2004, 2006).<br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> oui --> "On peut aussi s'interroger sur l'impact de ces changements récents de surface et de rugosité sur les températures de surface mesurées à ces mêmes stations, à travers la modifications<br /> des échanges turbulents surface-atmosphère.". Au dela du changement de rugosite et son effet sur le vent, l'impact en temperature resulte d'une combinaison avec les effets de changement<br /> d'albedo,  et de changement du rapport de Bowen.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> en creusant sur ce thème, je suis tombé sur les cartes interactives de l'atlas canadien d'énergie éolienne http://www.windatlas.ca/fr/maps.php?field=2B qui font référence à des "longueurs de<br /> rugosité". Et en creusant ça, j'ai trouvé http://eolienne.f4jr.org/rugosite qui montre que l'énergie du vent tombe vachement vite avec la rugosité (dont je n'ai pas trouvé la définition<br /> rigoureuse).<br /> <br /> Mais avec ça, je n'ai toujours pas trouvé la réponse à ma question : quand il y aura des éoliennes partout, quelle fraction de l'énergie des vents intercepterons nous ? Avec quelles conséquences ?<br /> (pollénisation, insectes etc.)<br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> Vautard et al. indiquent que leur analyse concerne le vent a 10m, alors que la prod eolienne se fait plutot entre 50 et 100m - a ce niveau la les trends potentielles de vents sont donc, de toutes<br /> facons, plus faibles.<br /> <br /> <br /> Bon de toutes  facons je suis sur que les mecs qui posent des eoliennes font gaffe aux effets de surface...<br /> <br /> <br /> Pour ta derniere question, j'en sais rien (la fraction des vents globaux interceptee..), je pense pas que ca va tarir le vent :-), mais j'ai vu des trucs qui s'interessaient a l'impact sur le<br /> climat des eoliennes... par ex:<br /> <br /> <br /> http://www.pnas.org/content/101/46/16115.full<br /> <br /> <br /> http://www.nature.com/nature/journal/v468/n7327/full/4681001a.html<br /> <br /> <br /> ou encore<br /> <br /> <br /> http://www.atmos-chem-phys-discuss.net/9/2917/2009/acpd-9-2917-2009.html<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> salut Ice<br /> <br /> Quand on m'avait parlé de cette étude j'avais un peu rigolé à vrai dire, car je pensais plutôt à l'urbanisation.<br /> Mais c'est sûr que si le puits de carbone terrestre a absorbé, je sais pas, 50 GtC, sur la période, on est pas loin de 10% de masse végétale en plus.<br /> Ce serait intéressant de voir si les stations côtières ou celles des îles (il y en a apparemment sur la carte) présentent le même phénomène.<br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> oui ils mentionnent l'urbanisation comme une cause possible - mais disent que le lien entre urbanisation et evolution de la rugosite n'est pas clair, donc ils peuvent pas savoir... cela dit leur<br /> analyse quantitative est suffisamment lache pour laisser de la place a ce facteur supplementaire.<br /> <br /> <br /> <br />