On en a déjà pas mal parlé en ce début d'automne, mais je le remets ici: le minimum d'été de la banquise arctique a atteint cette année une valeur sans précédent (les observatons par satellite datent de 1979), battant très largement (de 23% !) le précédent record établi en 2005.
moyenne 1979 - 2000: 6.74 millions de km2
Minimum 2005 : 5.32 millions de km2
Minimum 2007 : 4.13 millions de km2.
La différence de 2007 à 2005 est aussi grande que celle de 2005 à la moyenne 79-2000 (la différence de 2007 à 2005 représente environ la taille du Texas et de la Californie réunies...)
Notons aussi que ce minimum a été atteint assez tard dans le mois de septembre, traduisant une fonte plus longue:
Voici donc la variation interannuelle de l'extension minimum de la banquise en Septembre:
Avec 2007 la tendance est désormais à un déclin de 10% par décennie.
Gardons néanmoins à l'esprit que la variabilité interannuelle du minimum de banquise arctique est forte (cf ci-dessus) , par exemple en 96 le gain de banquise a été du même ordre que la chute cet été. Néanmoins la perte de glace en 2007 est impressionante, et globalement est plus rapide que prévue par les modèles du GIEC (j'ai rajouté 2007 à la main - merci Paint) :
Si vous voulez voir la dispersion des modèles, c'est ici - mais c'est moins probant....
Les observations in situ (avions, navires) avant 1980 suggèrent par ailleurs que le minimum estival de banquise a peut-être décliné de 50% depuis les années 1950.
Alors, au delà de la simple intuition et de la tendance à la baisse, peut-on relier rigoureusement ce record de 2007 à une accélération du réchauffement climatique causé par l'homme ?
Comme à chaque fois que l'on descend à l'évenement saisonnier et régional, la réponse est peu aisée: le record de cet été semble dû à une configuration particulière des pressions et dépressions atmosphériques au-dessus de la région, avec des hautes pressions et des ciels clairs favorables à la fonte au-dessus de l'océan arctique, et des basses pressions au-dessus de la Sibérie ayant favorisé des convergences d'air chaud et humide vers la banquise. Ce qui repousse le problème à l'origine de cette configuration atmosphérique...
Une piste plus évidente est tout simplement que la banquise a commencé sa fonte estivale dans un état plus fragile et fin qu'à l'accoutumée, ce qui a permis à l'évidence une fonte accélerée. En effet la croissance de la banquise en hiver ne remet pas complètement les compteurs à zéro chaque printemps, il peut y avoir une mémoire interannuelle de la fonte. Il s'agit là d'un feedback positif en cas de forte fonte: plus la fonte est importante en été, plus elle est facilitée à l'été suivant. A cet égard il sera intéressant de suivre l'état de la banquise arctique au printemps prochain, après une telle diminution cet été...
Enfin il semble que l'organisation de la dérive de la glace ait résulté cet été en de larges quantités de glace relarguées vers l'Atlantique Nord, et donc fondues.
Autre point: ces observations ne concernent que l'étendue de glace arctique. Il n'y a pas aujourd'hui de données étendues sur l'épaisseur de cette glace - bien que des observations faites à bord de sous-marins américains (et russes ?) équipés de sonars au cours de la dernière décennie, semblent indiquer une diminution de l'épaisseur moyenne de la glace de 3 mètres à 2 mètres... mais ce sont des données trop discontinues dans le temps et l'espace.
Or pour connaître le volume de glace précis perdu par l'Arctique, cette épaisseur est fondamentale. D'où une forte activité scientique ces temps-ci dans l'Arctique (projet européen DAMOCLES et goélette TARA, notamment) pour obtenir des données de terrain sur l'état et l'épaisseur de la banquise, et des mesures prévues par satellites avec le satellite de la NASA ICEsat.
Au total, les scientifiques de l'Arctique semblent néanmoins maintenant s'accorder pour dire qu'il est fort possible que l'Arctique soit libre de glaces en été dès l'horizon 2040-2050, voir avant, pour les plus pessismistes, si des feedbacks positifs forts se mettent à l'oeuvre (rappelons que les prévisions de GIEC situaient cet évenement pour la deuxième moitié du XXIème siècle).
Au-delà de la survie des ours polaires - qui semble bien compromise dans un tel contexte, une des questions qui se posent alors est la suivante: étant donnée les modifications climatiques fortes qui seront immanquablement provoquées par cette disparition de glace estivale (aborption d'énergie beaucoup plus forte par l'océan, donc réchauffement, forte évaporation, donc plus d'effet de serre mais peut-être aussi plus de précipitations, etc...), et au-delà des répercussions météo qui ne manqueront pas de se faire sentir, en conséquence, à grande échelle sur le reste du globe, quelle sera l'avenir de la calotte du Groenland dans un tel contexte ?
Sa fonte est en effet d'ores et déjà déjà plus rapide que prévue (voir poste pécédent).
Pour le dire autrement: une calotte groenlandaise du même ordre de grandeur que l'actuelle (i-e, sans une fonte massive) pourrait-elle survivre à un océan arctique sans glace estivale ?
La question risque bien de se poser plus tôt que prévue...
Pour en savoir plus: le National Snow and Ice Data Center (US), ici.
Cette page du Goddard Space Flight Center de la NASA propose des "fondues" sympas...