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16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 16:52

Alors que les prix du pétrole dépassent les 110$ - et que les journaux se creusent durement les méninges pour trouver des synonymes aux expressions "prix records", "barre symbolique", et "c'est la spéculation/les tensions géopolitiques/la faute à la Chine" on peut prendre quelques graphs simples pour s'éclaircir un peu les idées...
La production mondiale de "pétrole" (tout types confondu, par exemple y compris sables bitumeux et agrocarburants):
oil_production.pngOn voit que depuis 2004 environ la production plafonne.
Les prix du "Light Sweet Crude":

oil_price.png

et vous pouvez prolonger un peu la courbe, pour arriver à 110$ début 2008 (soit grosso modo 10 fois plus qu'il y a 10 ans).
1°) Il est donc bien tentant de relier la hausse depuis 2004 au graph précédent, avec une interprétation simple: l'offre, désormais, plafonne, la demande (la "croissance")  augmente régulièrement, les prix décollent. Les investisseurs, dernièrement, enterinent ce phénomène en spéculant à la hausse - bien que la grosse récession américaine (mondiale ?) puisse, parait-il, peut-être faire rechuter un peu les prix prochainement en faisant un peu baisser la demande.

2°) Qu'en déduire d'autre? au niveau de la production, on pourrait dire il y a déjà eu de tels petits "plateaux" (par exemple dans les années 90), à la suite desquels la production est repartie à la hausse: cependant les prix étant restés bas et stables, cela suggèrant que la demande était satisfaite. La leçon est ici que, les prix étant montés de facon régulière assez haut depuis quelques années, la production devrait être stimulée: il y a une forte incitation à produire. Or l'offre plafonne: on serait donc tentés de dire, elle plafonne "tous robinets ouverts". Même Bush (je devrais dire, surtout Bush, dont la politique extérieure parait fondée sur l'idée même du peak Oil), qui en 2004 disait que 50$ le baril était une incitation suffisante pour que les grandes compagnies (Big Oil) et les pays producteurs fassent ce qu'il faut pour augmenter leur production, dit aujourd'hui qu'il est difficile de demander à l'OPEP de mettre sur les marchés des barils supplémentaires qu'ils ne peuvent pas produire). L'offre ne semble donc pas pouvoir augmenter, du moins à court terme.
En outre, un certain nombre - grandissant - de pays voient déjà leur production décliner irréversiblement, et tout supplément de production quelque part servira donc d'abord à compenser une baisse de production ailleurs (le syndrôme de la "Reine Rouge", tiens). Comme apparement on connait bien les taux de déclins, on peut voir ca comme ca par exemple:
depletion_oil.png
Notez la petite courbe de 2% de croissance, qui donne un estimation de la demande mondiale à venir.
Enfin, il est aussi bien connu que l'essentiel des découvertes est déjà derière nous:

oil_decouverte.gif

De là à en déduire que nous avons atteint, ou sommes bien proches d'atteindre, le pic de production, il n'y a donc vraiment pas loin...

Pour mémoire le scénario (2004 je crois) de l'ASPO (conventionnel et non-conventionnel)

ASPO.jpg

...tout ca devant pouvoir varier de quelques années (il manque des barres d'erreurs, quoi)
Restent donc à discuter les implications pour l'économie d'une baisse - irréversible - de la production de pétrole, à partir de 2010-2020. Notamment de savoir quelle est la relation entre hausse du PIB ("croissance") et consommation de pétrole, quand celle-ci part à la baisse...

[MAJ 19/03: suite aux commentaires, voici le taux de change euro/dollar ces dernières années:
euro_dollar.png

on voit en effet bien la remontée depuis 2002. L'euro s'est apprécié de 50% par rapport au dollar - mais dans le même temps le pétrole a gagné 250%... Cette page ( et aussi celle-la)montre prix du baril en dollars (constants ou pas) et en euros. Naturellement la hausse est moins spectaculaire en euros (notamment par rapport au choc des années 80) - mais bon fondamentalement cela ne change rien à la physique du problème.]

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commentaires

I
Un autre lien avec la production mondiale de pétrole depuis 1970, non seulement en graphique mais surtout avec les valeurs numériques précises (selon l'Agence internationale de l'énergie).
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I
Le lien pour le commentaire précédent (Le prix du pétrole depuis 20 ans) se trouve dans "site web" du message en question.<br /> <br /> Un autre lien à trouver dans "site web" du présent message, sur le prix du pétrole comparé à celui de l'essence, du gasoil et du fioul domestique, avec les valeurs des derniers mois.
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I
Pour compléter les informations et répondre à une attente générale, voici le détail de l'évolution des prix du pétrole depuis une vingtaine d'années : Le prix du pétrole et l'énergie en dollars du moment et de 2008 (pour tenir compte de l'inflation), en euros de l'époque (ou équivalence des francs) et de 2008 et en heures de smic du moment (pour comparer en pouvoir d'achat).
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A
Le prix du baril en euro est également disponible ici : http://wiki.oleocene.org/index.php/Prix_du_baril_en_Euro<br /> ... avec l'avantage d'une mise à jour régulière.<br /> <br /> Yves, les "majors" ne contrôlent plus qu'une faible part de la production, comme cela est donné ici (page 5) : http://www.lozere.cci.fr/documents/file.php?id=118<br /> <br /> Le "plateau" que nous connaissons actuellement a de multiples explications : il y a un léger ralentissement de la consommation du fait des prix élevés, mais le problème de fond est la production : l'OPEP ne cherche plus à produire plus. <br /> <br /> Pourquoi en effet "ouvrir les robinets" jusqu'au pic théorique ? Du point de vue des investissements, il vaut mieux s'arrêter un petit peu avant. Le moment est venu.
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Y
Bonjour,<br /> <br /> Je tendrais à nuancer concernant le "pic" de pétrole. En effet celui décrit par King Hubbert correspond à ce que je sache à la situation aux Etats-Unis où un grand nombre de petits producteurs a extrait du pétrole jusqu'à ce que l'activité cesse d'être rentable. <br /> <br /> Mon analyse, plutôt sommaire qu'étayée par une analyse détaillée, est que la situation mondiale diffère en ce que le secteur est dominé par un petit nombre de "majors" qui seules ont les moyens financiers et d'influence politique pour accéder à la ressource à grande échelle. Dans ce cas elles n'ont aucun intérêt à suivre la demande jusqu'à ce que ce soit impossible du fait de coûts devenus exorbitants, ce qui serait la définition d'un pic mondial. Elles ont au contraire intérêt à rationner le pétrole de coût d'extraction bon marché suffisamment en amont pour assurer la perennité de leur business, et en même temps investir dans l'efficacité énergétique d'abord, les énergies alternatives ensuite. Un moyen de le faire est d'autolimiter les capacités de raffinage. Il n'y a pas besoin pour cela de grand plan ou d'accord secret, il suffit d'un consensus tacite pour préférer modérer la demande, quelles que soient d'ailleurs les raisons invoquées par chaque groupe. <br /> <br /> D'après ce que j'ai lu c'est la crise des années 70 qui a amené à limiter les investissements dans le raffinage. Ensuite est arrivé le contre-choc pétrolier de la fin des années 80. Le bloc soviétique s'effondrait et on ne voyait pas encore la Chine ni l'Inde, pas de raisons de réaugmenter la capacité de raffinage. Maintenant la demande s'accroît considérablement (pays émergents y compris Europe de l'Est), on devrait réinvestir massivement en raffinage. Mais les incertitudes sur l'avenir des coûts d'extraction et même d'exploration (la diminution des "découvertes" en est sans doute un signe) et le risque lié aux émissions de CO2 (voir la position de Shell et de BP datant de 1998; désormais même Exxonmobil a officiellement abandonné son pseudoscepticisme) pèsent pour choisir de réinvestir... modérément.<br /> <br /> Autrement dit, je pense qu'en ce moment on a davantage à faire à un choix stratégique des pétroliers qu'à un véritable pic, qui sans autolimitation pourrait être pour après-demain avec des conséquences bien plus coûteuses que la hausse actuelle. Corollaire : en dépit de son caractère impressionnant je la pense très contrôlée car personne n'aurait intérêt à une bulle spéculative délétère pour des produits de première nécessité.<br /> <br /> Bonne soirée<br /> <br /> Yves
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I
<br /> merci pour votre commentaire, yves, dont je partage certains points.<br /> Ce que vous dites me fait penser à certains propos de jean Lahererre, je crois, pdt de ASPO France: comme quoi, si la production pouvait suivre "parfaitement" la demande, on aurait<br /> bien une jolie courbe en forme de pic (le pic étant toutefois , dans mon esprit, déterminé par l'impossibilité physique d'augementer les débit de production indéfiniment, même en dehors<br /> de toute contrainte économique sur les couts, la rentabilité, etc..). Mais comme l'état de la filière est ce qu'il est (pour des raisons historiques, géopolitiques, etc...), insérée dans le<br /> jeu économique, il est possible qu'on atteigne un plafond plus tôt, pour des raisons non "géologiques": limites des capacités de production à différents niveaux, couts d'investissements,<br /> pénurie de main d'oeuvre qualifiée spécialisée, etc... Comme certains grands champs déclinent, en même temps,  (cantarell, mer du nord, ghawar bientôt ?), la production aura certainement<br /> du mal à percer ce plafond par la suite. A cela doit s'ajouter aussi la propension es états producteurs (de loin les plus gros acteurs sur le marché, non?) à réduire leur exportations dans un<br /> contexte de raréfaction de la ressource pour privélégier leur demande intérieure.<br /> Bref, on atteindrait donc un plateau, qui par définition est un pic "abrasé". La question serait de savoir combien de temps peut durer un tel plateau. <br /> <br /> <br />