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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 15:52

L'actualité "climate change" de la semaine dernière, c'était bien sûr le papier de Roe & Baker dans Science sur la sensibilité climatique ( = quelle augmentation dT de T° globale en réponse à une expérience de doublement du CO2 atmosphérique, une fois le climat parvenu à l'équilibre): "Why is climate sensitivity so unpredictable ?"
La fourchette actuelle la plus probable pour cette sensibilité est 2-4,5°C, avec comme "best estimate" 3°C. Ce sont déjà plus ou moins ces chiffres qu'on trouvait il y a 30 ans (rapport Charney), lorsque commencaient les travaux de modélisation climatique: force est de constater qu'on n'a pas beaucoup avancé depuis (on a réduit un peu le bas de la fourchette quand même).
Les auteurs analysent donc une explication fondamentale à cette irreductibilité: grosso modo, comme dT est relié aux feedbacks f au sein du système climatique par un terme en 1/(1-f) (avec f entre 0 et 1), les incertitudes sur f (si par exemple on assigne à f une distribution gaussienne) se traduisent par une incertitude sur dT (la sensibilité climatique) importante, et forcément affectée d'une longue "queue" de distribution vers les hautes valeurs. 
C'est tout de suite plus clair sur le graph:


roeandbaker1.jpeg
Cette non-linérarité, et la propagation des incertitudes qui en résulte, est un classique dans le domaine de la sensibilité climatique, mais les auteurs sont un peu les premiers à le formaliser aussi clairement et à l'analyser de façon aussi détaillée. Ainsi, même si on réduit l'incertitude sur f ( l'écart-type de la gaussienne, cf graph ci-dessous), on garde une pdf de dT très large et déformée: cela explique que, même en progressant sur la connaissance et la modélisation des feedbacks, on ne pourra, d'après les auteurs, jamais mettre une borne définitve sur les valeurs élevées de sensibilité climatique (ce qui consistuait pourtant un peu le challenge principal du domaine...)

roeandbaker2.jpeg
Il est donc assez peu probable que la détermination de la sensibilité climatique s'affine beaucoup dans les années à venir (par exemple pour le prochain GIEC) - d'autant plus que les modèles se complexifient et donc voient leur fourchette d'incertitude augmenter...
Ce papier a été abondamment commenté dans la blogosphère climato, notamment sur Realclimate (ici), ou bien ici, , ou encore ici (d'un point de vue plus sceptique). Globalement le ton général est que ce papier n'apporte pas d'avancéee fondamentale, mais rappelle des évidences qu'il est toujours bon de rappeler (façon polie de dire qu'il enfonce un peu des portes ouvertes, je trouve), à savoir que les décideurs politiques vont devoir composer, dans le domaine des politiques climatiques, avec des incertitudes assez irreductibles - et notamment ne devront pas prendre prétexte de ces incertitudes pour "attendre et voir".
Un point important est quand même que l'analyse de Roe & Baker est essentiellement mathématique (par exemple avec leur pdf de f on obtient des valeurs de f supérieures à 1, ce qui pose un peu pb...): dans le monde réel, les paleoclimats (notamment le dernier maximum glaciaire) ou des évenements actuels comme le refroidissement dû au Pinatubo, plaident quand même fortement, apparemment, pour une sensibilité autour de 3°C (voir le blog de James Annan par exemple, sur le sujet).

Personnellement (très humblement), cet article m'a paru un peu tomber dans la catégorie d'articles Science ou Nature, du genre "ben, on a réfléchi 2mn, fait 3 calculs sur un coin de table, et voilà, c'est génial": transformer une loi normale par une hyperbole, c'est pas non plus irrésistible...

Peut-être plus séduisant finalement, récemment, un article dans PNAS par Santer et al: "Identification of human-induced changes in atmospheric moisture content" (commenté également dans le même Science, la semaine dernière).
Les auteurs détectent, dans une série de mesures satellite sur 1988-2006, une augmentation du contenu global de l'atmosphère en vapeur d'eau (en se limitant au zones au-dessus de l'océan, puisque c'est du micro-ondes). C'est un effet attendu du réchauffement global, puisque de façon générale une air plus chaud peut contenir plus de vapeur d'eau. D'apres eux cette tendance, malgré la briéveté de la série, sort du "bruit" de la variabilité naturelle (telle que simulée par modèles). 

PNAS-wentz.jpeg

En utilisant ensuite les résultats d'une 20aine de modèles couplés océan-atmophère, ils montrent que le pattern spatial de cette trend ne s'explique que si la cause principale est l'effet de serre additionnel anthropique (et pas le forcage solaire, ni l'effet rebond après l'explosion du Pinatubo).
Ainsi, cette étude rejoint d'autres travaux récents de détection/attribution (sur les pluies zonales par exemple, Zhang et al 2007, Nature, l'humidité spécifique de surface, Willett et al. 2007, Nature, ou le run-off continental, Gedney et al, 2006, Nature) convergeant pour indiquer l'émergence d''une influence anthropique perceptible sur le fonctionnement du cycle hydrologique - au-delà de l'effet sur les seules températures.

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